Atelier

Aménager pour la santé des usagers

A partir d’outils et retours d’expérience opérationnels de projets d’aménagement et d’urbanisme, cet atelier fait un zoom sur la prise en compte des enjeux de santé dans la Fabrique de la ville.

Un événement en partenariat avec Urba4, le réseau des 4 agences d’urbanisme de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Objectifs de l’atelier

A partir d’outils et retours d’expérience opérationnels de projets d’aménagement et d’urbanisme, cet atelier fait un zoom sur la prise en compte des enjeux de santé dans la Fabrique de la ville. Organisé en partenariat avec Urba4, le réseau des 4 agences d’urbanisme de la région Auvergne-Rhône-Alpes, il a permis de faire le lien avec les actions en cours sur le sujet au sein du Plan Régional Santé Environnement (PRSE 3).
Sept professionnels, représentant des acteurs stratégiques en matière de santé aménagement (ORS, représentant l’EHESP, Métropole et bureaux d’études) sont ainsi intervenus à l’occasion de cet après-midi pour présenter outils ou retours d’expérience, et illustrer les principes clefs de démarches telles que l’évaluation des impacts sur la santé, l’urbanisme favorable à la santé, ou encore le diagnostic territorial de santé.

Programme des interventions

  • Présentation des premiers résultats du programme de recherche action ISADORA, vers une meilleure intégration de la santé dans les opérations d’aménagement, Lucie ANZIVINO, Observatoire Régional de la Santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes
  • Retours sur la parution du Guide du HCSP « Pour une meilleure intégration de la santé dans les documents de planification territoriale », Claire TOPIN, Référente Santé Environnement chez I Care & Consult
  • L’espace public, lieu de vie et support de santé, Annelyse COMPARET, Chargée de mission : Paysage et Qualité des Espaces Publics à Grenoble-Alpes Métropole
  • Retours d’expérience sur l’Action 17 du Plan Régional Santé Environnement (PRSE 3) sur la prise en compte de la santé dans les documents d’urbanisme, Damien SAULNIER et Claire-Marie ROUCHOUSE, Urba4, réseau des 4 agences d’urbanisme de la région Auvergne-Rhône-Alpes, resp. UrbaLyon et EPURES
  • Intégration de la santé dans des démarches d’urbanisme à travers 3 retours d’expérience (EIS, UFS, démarche santé positive), Soline MARTIN, responsable projets et Anissia BENZEKHROUFA, chargée d’études chez MEDIECO Conseil & Formation

Synthèse enrichie des ateliers 2018 et 2019

Cet atelier faisait suite à celui de septembre 2018 sur les « Enjeux et démarches d’évaluation des impacts sur la santé en aménagement ». Le présent compte-rendu vient ainsi enrichir la synthèse des interventions de 2018. Il est accessible en téléchargement avec les supports des interventions.

La santé, un état de complet bien-être qui dépend de nombreux déterminants

Selon la définition de l’OMS, « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Elle dépend d’un certain nombre de déterminants de santé, que l’on peut classer en plusieurs catégories selon s’ils relèvent par exemple des modes de vie individuels, des relations sociales ou des conditions socio-économiques, culturelles et environnement extérieur (catégories de Dahlgren and Whitehead, 1991).
determinants

Les outils à disposition - EIS, UFS et démarche santé positive : des approches positives de la santé, transversales et intégrées

A travers les démarches évoquées ici de santé aménagement (EIS, UFS), la santé est abordée dans sa dimension globale en lien avec tous les déterminants de santé. Il s‘agit d’analyser comment le projet, ici d’aménagement, vient impacter de manière positive ou négative chacun de ces déterminants, et de dresser des recommandations permettant de maximiser ces bénéfices et de minimiser les risques négatifs sur la santé.
Ces déterminants étant éminemment multifactoriels, les démarches d’EIS et d’UFS surviennent au croisement de nombreuses politiques publiques : de santé et d’aménagement bien sûr, mais également de politiques sociales, d’urbanisme, d’éducation, de transport, de logement, de sport, d’environnement, etc.
Ainsi l’EIS menée dans le cadre du projet d’aménagement du Parc Zénith conduit aussi bien à des recommandations sur le mobilier du parc, que sur le schéma de circulation ou encore à des actions de sensibilisation sur le tabac ou encore la mise en place d’animations et de temps de partage.
Tous ces déterminants de santé ne sont pas forcément à considérer de la même façon : les enjeux varient d’un projet à l’autre, et l’intervention de Médiéco illustre le fait que certains de ces déterminants, tels que les sujets d’exposition air/bruit, ne pourront faire l’objet d’actions spécifiques que s’ils sont pris en compte très en amont dans le projet.

Le projet ISADORA, faciliter la prise en compte de la santé par les MOA

Le projet de recherche action ISADORA vise à proposer un cadre théorique, permettant de replacer à toutes les étapes du projet les liens de causalité et leviers d’action entre aménagement et santé.
Organisé sous la forme de 3 clefs de processus (instances santé, données de santé et démarche participative) et de 12 clefs de conception (ex. : mobilités actives et PMR, espaces verts, exposition des populations, etc.), il présente donc une double lecture :

  • Etat de l’art bibliographique des connaissances actuelles en matière de causalité santé / aménagement ;
  • Pense-bête et grille d’évaluation, permettant d’adopter une approche santé à la fois thématique et par étape / document de projet (plan guide, cahier des charges, fiches de lot, etc.)
    L’outil devrait opérationnel et librement accessible à partir de fin 2019. Principalement destiné aux services techniques des maîtrises d’ouvrage, il peut également être mobilisé par les autres professionnels du secteur pour renforcer la prise en compte de la santé au sein des projets de construction et d’aménagement.

isadora

L’échelle de l’urbanisme stratégique et ses documents de planification

Au-delà de l’approche opérationnelle, la santé a toute sa place dans les documents d’urbanisme et de planification stratégique : PLU(i), PLH, SCoT, PCAET, PPA, SRADDET, etc.
Dans le cadre du 3ème plan régional santé environnement (PRSE 3), les agences d’urbanisme de la Région AURA ont ainsi accompagné au cours d’une première phase expérimentale la réalisation de démarches type UFS sur :

  • le PLUI Mond’Arverne ;
  • le PLH de Saint Marcellin Vercors Isère Communauté ;
  • la programmation urbaine et les orientations d’aménagement du secteur nord-est de Saint-Etienne, et ;
  • le PLUI-H d’Annonay Rhône Agglo.
    Le lancement d’une seconde phase d’accompagnement est prévu fin 2019 pour poursuivre la dynamique, confirmer les intuitions et enseignements de la première phase et ouvrir l’expérimentation à d’autres échelles et documents de planification.

Le guide du HCSP « Pour une meilleure intégration de la santé dans les documents de planification territoriale », paru en 2018 à destination des décideurs nationaux et locaux dans les politiques urbaines et environnementales, revient sur la méthodologie de prise en compte des enjeux de santé à l’échelle de trois documents stratégiques : SCoT, PDU et PLU(i)(m).
<< Lien de téléchargement vers le Guide et la synthèse ICI > >
Les problématiques identifiées à travers ce guide sont notamment les suivantes : besoin de sensibilisation des décideurs aux enjeux de l’urbanisme favorable à la santé ; besoin de « formations-actions » des acteurs susceptibles d’accompagner ces projets ; une réglementation à faire évoluer pour généraliser la prise en compte de ces enjeux. Dans un second temps, est également pointée par le rapport l’amélioration des conditions de la participation citoyenne.

Concernant les PLU, l’EHESP a également produit, en complément de son ouvrage de référence « Agir pour un urbanisme favorable à la santé », un rapport d’aide à l’analyse des Plans locaux d’urbanisme au regard des enjeux de santé. Ces deux documents sont disponibles en ligne via ce lien .

L’EIS, un dispositif souple et adapté à de nombreux contextes, qui donne un cadre de travail

L’EIS est une démarche, un outil d’aide à la décision, un cadre d’analyse et d’action pour « s’équiper de lunettes santé ». Elle peut se décliner à toutes les échelles et porter aussi bien sur une politique publique, que sur un projet d’aménagement, de construction (ex. d’une EIS sur la Crèche Colette à Beauregard, Rennes) ou encore, comme indiqué plus haut, sur un document d’urbanisme.
Il existe également plusieurs « niveaux » d’EIS (et donc de coûts / temps passé sur le projet, de quelques semaines à plusieurs mois), en fonction notamment du nombre de déterminants de santé considérés, du choix qui est fait entre une analyse plus rapide et qualitative, ou une analyse plus approfondie et reposant sur des données probantes, et de sa dimension plus ou moins participative.
La démarche UFS, aujourd’hui moins encadrée, apporte quant à elle davantage de possibilités d’expérimentation et de souplesse dans la démarche.

Gouvernance, participation citoyenne et pluridisciplinarité : des démarches fédératrices

Au-delà de l’application des recommandations santé au projet, l’une des plus-values les plus importantes de ce type de démarche semble résider dans son mode de gouvernance, qui permet la sensibilisation et la mise en réflexion d’un grand nombre d’acteurs autour du projet.
Les projets du Parc Zénith, de Rive de Gier et la démarche territoriale du Grand Lyon illustrent les croisements de compétences, et un travail en transversalité non pas seulement au sein des services techniques mais également entre élus ou entre élus et services. Plus globalement, ils créent de nombreuses opportunités de rencontre entre tous les acteurs du territoire, que ce soit avec la direction et le personnel des crèches, les bailleurs sociaux, les écoles, ou encore avec le grand public. La dimension participative auprès du grand public est en effet elle-aussi très importante, notamment dans le cadre des EIS.
Pour Carole Martin de Champs de l’ORS, la définition de la composition du CoPil est ainsi soulignée comme l’une des étapes clefs d’une évaluation d’impact sur la santé, qu’elle soit menée en interne par les services de la collectivité, externalisée et confiée à des associations ou des bureaux d’étude, ou encore pensée en partenariat avec des organismes tels que l’ORS ou l’ARS.

Des démarches qui nécessitent une MOA volontariste

Si, comme indiqué ci-dessus, de très nombreux acteurs sont nécessaires au bon fonctionnement de ces démarches, l’importance d’une maîtrise d’ouvrage volontariste a été particulièrement soulignée dans le cadre de chacun des projets présentés.
Non réglementaire en France (une analyse des impacts santé est cependant attendue dans les évaluations environnementales stratégiques), contrairement à d’autres pays, ces approches qui mobilisent un grand nombre d’acteurs et un large éventail de domaines nécessitent un véritable portage politique de la part de la collectivité.

Annelyse Comparet, de Grenoble Alpes Métropole, insiste sur ce point. Les élus des près de 50 communes de la métropole grenobloise ont participé à l’émergence d’un guide afin de promouvoir des espaces publics de qualité, notamment du point de vue de la santé des usagers. Ce Guide métropolitain des espaces publics et de la voirie encourage la marche, les vélos, les transports en commun, la mixité des usages, la place de la nature, etc. dans les espaces publics. Il a permis d’établir une trame commune à tous les projets métropolitains, permettant de suivre et d’évaluer tous les projets de cette intercommunalité, les espaces publics représentant un enjeu de santé très important en milieu urbain.
A l’échelle de la métropole de Grenoble, 80% des espaces publics sont en effet occupés par les voitures. A l’horizon 2030, la Métro a ainsi décidé de dédier 50% des espaces publics à l’intensité sociale et 50% seulement à la voiture (contre les 80% actuels), et 25% de pleine terre. Sur tous les projets, 10% de perméabilité sont ainsi demandés. Deux indicateurs clefs de ce document sont donc le coefficient de stationnement et le coefficient de pleine terre.

EIS, les étapes clefs

  • L’EIS doit être anticipative. Lorsque la démarche est lancée trop tard dans le processus d’aménagement, après la phase de conception du projet, il est souvent difficile d’intégrer les recommandations. C’est un écueil assez fréquent mais pas forcément irrémédiable comme l’illustre le projet de Parc Zénith.
  • L’EIS doit mobiliser largement. Plus l’EIS mobilise d’acteurs, plus elle s’enrichit de leurs contributions et mieux elle permet de travailler sur les différents déterminants de santé.
  • Dynamique, elle doit s’adapter aux enjeux du projet et adopter à la fois une vision à court, moyen et long terme. La démarche suivie par Rive de Gier, caractéristique d’un projet de renouvellement urbain, a dû composer en particulier avec une forte co-exposition aux enjeux de qualité de l’air et de nuisances sonores, en lien avec le passage de l’autoroute à proximité des logements.
  • Enfin, l’EIS doit bien sûr aller jusqu’au bout, c’est-à-dire intégrer les recommandations qui ont été faites au projet et suivre leur avancement et leurs impacts. Toutes les recommandations ne peuvent pas forcément être appliquées. Certaines sont simples à mettre en place puisqu’elles demandent un renforcement de dynamiques existantes ou des changements à la marge, alors que d’autres sont d’ordre beaucoup plus macro et dépendant d’autres acteurs ou de futures stratégies territoriales (repenser le schéma de circulation aux alentours du parc Zénith, ou diminuer le nombre de logements à proximité de l’autoroute dans le cadre du projet de Rive de Gier), mais ce travail peut ouvrir la porte à de futures réflexions, ou venir apporter un nouvel éclairage dans le cadre de travaux ultérieurs. Ces recommandations peuvent également être de l’ordre du suivi évaluation. La campagne de caractérisation de l’ilot de chaleur urbain et du confort thermique sur le Parc Zénith, menée de façon concomitante avec l’EIS, a permis d’intégrer des recommandations à la fois sur l’ombrage, les choix des matériaux, et le suivi des températures dans le temps.

zenith

La force de ces démarches, EIS comme UFS, est que leur impact dépasse largement le cadre strict des recommandations qui seront appliquées au projet. Elles permettent de fédérer les acteurs, de les sensibiliser largement à des thèmes très transversaux à travers la question de la santé, et peuvent également déborder sur des politiques et stratégies qui dépassent le cadre du projet initial telles que les politiques plus « macro ». L’EIS du Parc Zénith, via son travail d’enquêtes sociologiques, a ainsi contribué à modifier l’image du campus pro et pacifier le partage d’usage entre riverains et jeunes étudiants. De plus l’étude sociologique des usages des espaces verts dans l’arrondissement à enrichi la réflexion de la direction des espaces verts sur leur maillage et besoins en équipements.

La question des données

En ce qui concerne le diagnostic des différents déterminants de santé, deux bases de données open data sont mobilisées par les acteurs à l’occasion de ces démarches :

  • ORHANE « offre un premier outil régional d’identification et de hiérarchisation de l’exposition du territoire aux nuisances Air et Bruit » - << Le lien > >
  • BALISES Auvergne-Rhône-Alpes, « développé par l’ORS il permet l’accès à un grand nombre d’indicateurs de santé, déclinés aux différents échelons géographiques ». - << Le lien > >
    Dans le cadre de l’action n°1 du PRSE 3, il est prévu d’enrichir cette base de données, pour l’instant orientée vers les données de santé au sens médical du terme, avec des données issues de la santé-environnement.

Sur le projet de Rive de Gier, ont également été utilisés les fichiers de la base de données MAJIC du service des impôts, « base de données brutes décrivant les parcelles, propriétaires et bâtiments […] ».

Spatialisation des enjeux : quelles inégalités territoriales en matière de santé ?

Finalement une approche centrale et déterminante dans l’EIS et l’UFS concerne la question des inégalités territoriales de santé.
Comme le montrent les différentes cartographies de la Métropole de Lyon, cette question est bien sûr très liée à des facteurs socio-économiques, bien que ces indicateurs soient à manier avec précaution. Ainsi la partie amont de diagnostic de ces démarches santé vise généralement à caractériser les zones les plus critiques du projet sur les différents déterminants de santé.
Parfois quantitative et reposant essentiellement sur des données probantes, elle peut aussi prendre une dimension plus qualitative et communicante, ou reposer à la fois sur ces deux dimensions très complémentaires.
L’EIS du parc Zénith repose ainsi à la fois sur un travail de collecte de données probantes, d’utilisation de la plateforme BALISES pour la caractérisation du quartier et le repérage des populations cibles, et d’enquête au plus près des habitants et des riverains de manière à mieux appréhender les impacts du parc sur des déterminants psychosociaux.
Sur le projet de Rive de Gier, un gros travail de compilation et de synthèse des données qualitatives a été réalisé, avec des cartes d’enjeux produites à l’échelle parcellaire qui représentent le cumul des enjeux de co-exposition air/bruit, d’accessibilité piétonne et d’exposition aux ilots de chaleur urbains sur le quartier.

carte epures

Ce travail pédagogique et de synthèse a également été mené par la Métropole de Lyon, avec un travail exploratoire de croisement de données sanitaires, sociales et environnementales permettant d’établir des catégories de communes aux profils semblables, c’est-à-dire sensibles aujourd’hui aux mêmes catégories d’enjeux.

carte metropoleLyon

En parallèle de cette vision cartographique, la phase de diagnostic permet de définir des cibles prioritaires, telles que les personnes âgées dans le cas du projet de Parc Zénith.

Sur le sujet, l’OMS a développé Urban HEART, un outil d’aide à la décision en matière d’évaluation et d’intervention pour l’équité en santé en milieu urbain. Il s’agit notamment de :

  • mieux comprendre les déterminants inégaux de la santé, les risques inégaux en santé et les résultats inégaux de santé selon l’appartenance de la population à différents groupes socio-économiques au sein d’une ville donnée (ou d’une ville à l’autre) ;
  • prendre appui sur les faits d’observation pour plaider en faveur d’interventions favorisant l’équité en santé et les planifier ;
  • participer à une action collaborative intersectorielle dans une quête d’équité en santé ;
  • appliquer une optique d’équité en santé dans les prises de décisions en matière de politique et d’allocation de ressources.
    Manuel de l’utilisateur URBAN HERAT : le lien ICI.

Autres outils

  • Guide Agir pour un urbanisme favorable à la santé, EHESP << le lien > >
  • Outil HEAT (Health Economic Assessment Tool), outil d’évaluation économique des effets sanitaires liés à la pratique de la marche et du vélo, OMS << le lien > >. Il devrait faire l’objet prochainement d’une version française : l’outil Motiv’Air.