Voyage d’études

Deux jours pour découvrir les projets de PACA

Aménagement, construction, réhabilitation

Comme s’inspirer des pratiques n’a pas de frontières, nous vous proposons chaque année de partir à la découverte d’un territoire à travers les initiatives (citoyennes et institutionnelles), les bâtiments (toutes typologies en réhabilitation et construction neuve) et les aménagements durables qui le composent. En 2018, on prend la direction du Sud !

Des quartiers historiques à Smartseille, des Docks à la Belle de Mai... Marseille, son soleil et son accent chantant ont rythmé visites et échanges de ce voyage.

Balade urbaine, du panier au Mucem

C’est en compagnie de Nicolas Mémain, « urbaniste gonzo » que nous prenons la température de la ville. Membre de la coopérative Hôtel du Nord, il fait porter notre regard sous de multiples angles (le ciel, le sol, le lointain) à travers les grandes avenues, les ruelles du Panier, la diversité des architectures et leurs détails, les cœurs de certains îlots, les places, le tout rythmé par les nombreuses anecdotes et rencontres qui ponctuent notre déambulation.

En nous retraçant l’histoire de l’aménagement « à la marseillaise » (on construit, on démolie, on comble le vieux port, on creuse la colline …et puis non et si on faisait tout autre chose !) nous prenons pleine conscience de cette comparaison « Marseille est un vrai costume d’Arlequin, un tissu (urbain) disparate qui cicatrise mal ».

Du (Grand) Boulevard de la République, c’est le passage Lorette qui marque notre entrée dans le Panier. Les échelles changent, les formes urbaines et l’architecture créent une ambiance plus intimiste, moins clinquante et, de fait, plus populaire.

Dans le Panier, quelques cœurs d’îlot végétalisé persistent et offrent des havres de paix et de fraicheur dans ce quartier toujours vivant. Nos yeux s’étonnent de la diversité des boutiques atypiques, des graffitis à profusion et des plantes « envahissantes ». Ici la municipalité a pris le parti de ne pas nettoyer les graffitis (comme sur le Cours Julien) et comme les habitants pensent que le service des espaces verts n’a pas trouvé l’entrée du Panier, ils ont végétalisé, investi ruelles, balcons, fenêtres et autres.

Devant la Vieille Charité, nous profitons de la fraîcheur de la place pour admirer le bâtiment. A savoir que cet îlot était auparavant construit et cloisonnait cet ancien hôpital. La pierre rose, non lisse, le dôme ovoïdal recouvert de zinc confèrent une allure particulière à cet actuel Musée et lieu d’expérimentation et de valorisation des savoir-faire ancestraux.

Au détour d’une rue, nous découvrons les Immeubles Pouillon, construction d’après-guerre et marqueur de la sortie du Panier. Pour le montage de ces opérations, Fernand Pouillon avait fait preuve d’ingéniosité pour proposer des immeubles privilégiant le recours aux matériaux nobles (pierre banchée, bois, métal et verre), leur mise en œuvre par des entreprises locales, intégrant les questions de confort dans l’habitat, le tout en respectant budget et temporalité imposés.

Puis, la vue s’est dégagée pour faire apparaître la mer. La passerelle du Fort Saint nous ouvre sur de toutes nouvelles perspectives sur la ville. Nous traversons le jardin des migrations, empruntons la passerelle du MuCEM où nous apprécions la résille de Rudy Ricciotti de près, pour poursuivre notre balade le long des Docks.

« Le parking créatif est une pratique très répandue à Marseille ! Concrètement, lorsqu’il n’y a pas de place, on en crée »

D’Euroméditerranée à l’EcoCité

L’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée ambitionne depuis 20 ans de recréer le lien entre le centre et le nord de la ville. Ainsi, de la Gare Saint-Charles aux quartiers Nord, de nouvelles opérations émergent pour répondre aux besoins d’une métropole grandissante. De plus, « Marseille capitale européenne de la culture » en 2013, a permis une accélération sur les projets, l’intégration des pratiques d’urbanisme transitoire et environ 80 % des lieux ont été créés en lien avec cet évènement.

Après le succès autour de la première phase du projet Euroméditerranée 1 dans le centre historique (3 ZAC et 1 zone ANRU avec la création du MuCEM, de la Ville Méditerranée, la requalification d’espaces publics, des Docks, de la Belle de Mai et la modernisation de la gare Saint-Charles), Euroméditerranée 2 se lance.

Ce secteur est contraint par les 2 autoroutes, les anciennes voies ferroviaires et la zone portuaire. Et pourtant, l’EPA adopte une démarche de démonstrateurs à la recherche de modèles réplicables sur le territoire méditerranéen. Au programme : centrale à géothermie marine, permis d’innover, deux écoquartiers, démarche BDM (imposée sur les opérations de logement) et d’autres innovations tant techniques que sur les modes de faire.

« Un des enjeux du projet et de faire monter les marseillais du Sud au Nord, alors qu’au Sud ils ont un accès à la mer ! »

Depuis les débuts de l’EPA, les enjeux liés au financement ont bien changé. Au démarrage 70% du budget était issu de subventions publiques et 30% des revenus commerciaux, aujourd’hui la tendance s’est inversée.
Pour suivre la qualité des programmes proposés et préfigurer ceux à venir, l’EPA mène des enquêtes d’usage auprès des habitants.

« Pour l’EPA, notre ambition est de réussir à faire avancer les choses avec le contexte marseillais (pas d’argent, non sensibilisés aux pratiques du DD, un climat particulier etc.). Nous avons bien conscience que la densité envisagée peut être à double-tranchant, mais c’est aussi une opportunité pour qu’Euromed devienne le démonstrateur de la « ville méditerranéenne » ! »

L’introduction dans la Loi du droit à l’expérimentation a facilité la mise en œuvre de services innovants (tels que le parking mutualisé qui du coup est considéré comme un ERP). Par contre une des difficultés persistantes est d’imposer aux grands investisseurs des caractéristiques architecturales en lien avec le climat méditerranéen alors qu’ils ont des attentes en termes d’esthétique bien particulières.

Une des astuces pour pallier à ce problème a été la mise en place d’un concours d’innovation afin de favoriser l’émergence de solutions en lien avec les particularités du climat.

La BAEM (Boucle A Eau de Mer) est dimensionnée pour pouvoir alimenter tous le quartier et même si elle n’est pas imposée dans les cahiers des charges, elle contribue grandement à l’atteinte des objectifs de performance RT -20% ou -30%, et ce notamment pour les programmes nécessitant une production de froid.

Membre de l’EMUL Euorpean Metropoitain Urban Lab avec 17 autres partenaires, Euromed s’inspire également des recherches menées sur des thématiques telles que QAI, BIM, ICU, matériaux, Gestion de l’eau afin d’alimenter leurs futures programmations.

L’Ecocité méditerranéenne du 21e siècle se profile à Marseille !

Smartseille, « low cost et easy tech »

L’îlot Smartseille (Allar), est le premier démonstrateur de la ZAC Euromediterranée 2 à sortir de terre. Sous maîtrise d’ouvrage Eiffage, Smartseille est un concentré d’innovations (techniques & technologiques, modes de faire & d’habiter, formes etc.), incubées au sein du laboratoire Phosphore, permettant de préfigurer l’aménagement de la ZAC.

Parmi elles, la mutualisation est pensée à différentes échelles : quartier, îlot, bâtiment, et permise grâce à la mixité des fonctions. Ainsi, on dénote :

  • Massiléo, boucle d’eau de mer permettant la production d’ECS, chauffage et rafraichissement. Le stockage permet d’assurer les décalages de temporalité d’usage. En appoint, une PAC au sous-sol.
  • Le parking mutualisé. Sur le principe 1 logement = 1 place mais afin de gérer les décalages, il permet d’accueillir une 2e voiture ponctuellement (celle de l’invité). C’est l’application ZenPark qui assure le comptage et le suivi de la rotation des stationnements entre employés et résidents. Dans le contexte actuel de desserte en transports en commun sur l’îlot, ce système favorise le recours à la voiture car pour ne pas être pénalisé il faut contribuer à la rotation des véhicules (habitant / employé). Ce phénomène évoluera lorsque la desserte TC sera optimale afin de voir si le nombre de véhicules à stationner réduit.
  • La conciergerie, propose un large éventail de services à destination des habitants et des salariés (point relais La Poste, coiffeur, paniers bio, prise de rdv, location de salles) et contribue à la vie du quartier.
  • Des bornes de recharges de véhicules électriques.
  • Des espaces communs partagés par bâti :
    • Terrasse et studios pour les logements (sur la base de 18 €/nuit + 18€ de frais fixes / réservation et ce dans la limite de 30 nuits /an)
    • terrasse, salle de sport et de détente pour les bureaux

Les innovations se retrouvent notamment à travers :

  • Le traitement des sols pollués par mycorémédiation (même si celle-ci n’a pas été aussi performante qu’espérée, elle a permis d’identifier la mise à disposition de foncier à proximité par l’EPA comme un facteur clé de succès).
  • La mise en place d’un tracker solaire pour le bâtiment des bureaux de la ville de Marseille, en toiture, permettant d’apporter de la lumière aux pièces borgnes. On retrouve ici également, des ruches.
  • Une résidence intergénérationnelle, bénéficiant, suite à un accord-cadre entre Eiffage et Recipro-Cité, du dispositif cocoon’age. Cette dernière proposera 150 m² d’espace de vie partagé et sa toiture accueillera de l’agriculture urbaine.
  • La pièce nomade qui peut être rattachée à 2 typologies de logements afin de s’adapter au parcours résidentiel des habitants.
  • Une interface numérique et pédagogique de suivi des consommations pour les logements. Tous les équipements numériques de gestion sont en filaire afin de limiter la profusion des ondes magnétiques (mais il existe des bornes wifi en cœur d’îlot)
  • Les moucharabiehs contribuent à l’esthétique de l’immeuble mais jouent aussi un rôle pour le confort d’été en facilitant la ventilation naturelle.
  • Les aménagements paysager sont en cohérence avec le climat et la pollution des sols (peu de pleine terre) avec l’obtention du label BiodiverCity® Construction (limite de la consommation d’eau, de l’entretien, de l’usage de produits phytosanitaires, contribuent à la gestion des eaux pluviales à la parcelle)

Au sortir de cette visite, nous nous retrouvons pour partager nos ressentis quant à cette opération. La densité et la taille des immeubles nous semblent démesurées mais comme l’îlot est le seul à être sorti de terre, il est l’un des premiers marqueurs, au Nord, de la skyline marseillaise. Autre sujet qui fait débat, les vis-à-vis. Même si de nombreuses parades ont été mises en place pour gérer la proximité des bâtis, nous nous demandons comment celle-ci sera perçue par les occupants au quotidien. En tout cas, tous les participants ont noté le coté novateur de cette opération et ont hâte d’avoir les premiers retours d’enquête.

Le patrimoine se réhabilite : les Phocéens

Pour ceux qui étaient en manque de vieilles pierres, menuiseries, carreaux ciment et autres éléments du bâti ancien, nous voici devant l’ancien bâtiment des Affaires Maritimes de Marseille. Cette réhabilitation patrimoniale se décompose en 3 zones et pour chacune différents niveaux de performance à atteindre. En compagnie des futurs occupants Perimmo, Tangram, respectivement maître d’ouvrage et architecte, et Diane Renouard, accompagnatrice BDM, nous découvrons les travaux en cours pour obtenir la certification BBC Effinergie.

De nombreux éléments ont été restaurés (plafonds, verrière, parquet, menuiseries, céramiques, façades etc.) afin de préserver et de mettre en valeur les aspects patrimoniaux de ce bâtiment. Sur la partie Tangram, le sol ne présentant pas de particularité a été refait, permettant d’intégrer un plancher chauffant et de créer des jardinières intégrées.
En plus de tendre vers un réemploi au maximum des matériaux existants, le recours aux matériaux biosourcés est privilégié pour l’isolation et pour les aménagements intérieurs.

Le cœur d’îlot, entièrement imperméabilisé (ancien stationnement), sera végétalisé pour offrir fraicheur et agrément aux usagers.

La résidence Turenne

Entre l’A7 et la porte d’Aix, la résidence Turenne s’implante sur une parcelle à contraintes multiples : taille (20x20), vues (depuis les tours adjacentes), proximité avec la passerelle piétonne, nuisance sonores, bordée par un espace public en devenir, architecturales (pierre en bardage) etc.

Ce projet BDM, niveau Bronze en conception, perdra quelques points en réalisation. En effet, les contraintes tant imposées par la parcelle que par le contexte économique ont entrainé une baisse de certaines exigences. Ce ne sera plus du béton bas carbone (mais il sera bien blanc), la pierre locale a été remplacée par une pierre d’origine portugaise et, suite à un recours administratif, les panneaux photovoltaïque en toiture ne seront plus.

Parmi les ambitions de ce projet la question du confort acoustique des occupants sera traitée à travers la mise en place de menuiserie aluminium avec traitement acoustique (double vitrage argon). Pour le confort d’été, une forme de fenêtre particulière, au moins 2 fenêtres par logement et des volets intégrés (non obligatoires pour une résidence étudiante) contribuent à la pratique de la ventilation naturelle en période de chauffe.

De la Friche à la Belle de mai

Après avoir déjeuné aux Grandes Tables de la Friche, c’est en compagnie de Capucine Tible, médiatrice culturelle, que nous basculons dans l’envers du décor de la Belle de Mai. Présentation du concept, des œuvres, des réflexions passées, en cours et à venir tant en terme de programmation que d’innovation, nous prenons pleine conscience du rôle et des multiples facettes de ce lieu.

Notre visite se termine au cœur du GNEM, un espace musical dédié aux répétitions et au travail expérimental. Non ouvert au public, nous profitions de ce privilège pour questionner les qualités acoustiques et techniques de ce dôme. On apprend, que le travail sur l’acoustique est permanent (ajout de panneaux), que les équipements techniques évoluent en fonction des travaux menés en son sein et que la particularité architecturale de ce lieu confère une sensation de cocon, de huis clos, propice à la création.

Une visite de la Crèche était prévue, mais dans un contexte de grève SNCF, notre voyage s’est écourté quelque peu afin de garantir notre retour sur Lyon.

Programme & informations pratiques

  • Jour 1
    Départ de Lyon à 06h30 >> Arrivée à Marseille à 08h21
    Balade urbaine et présentation d’opérations : Panier, Vieux Port, Fort St-Jean, Jardin des Migrations, Mucem, Village des docks
    Déjeuner
    Présentation du projet Euromediterranée
    Visite du Quartier Smartseille
    Apéro dinatoire marseillais
  • Jour 2
    Visite d’opérations : résidence étudiante et Rotonde Pautrier
    Déjeuner
    Visite et retours sur le projet de la Friche Belle de Mai, lieu artistique, culturel et social
    Visite de la crèche de la Friche Belle de Mai, installée dans l’ancien réservoir d’eau de l’usine
    Départ de Marseille à 17h51 >> Arrivée à 19h54 à Lyon

Tarif
La participation au voyage est de 400 € par personne (tarif adhérent) (530€ non adhérent), comprenant le trajet A/R en train (depuis Lyon), l’hébergement (en chambre individuelle) et la restauration sur place.
Pour les personnes ne partant pas de Lyon, une autre formule hors transport est disponible.